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Album photo d’une famille Ezidi couvrant les ruines de la ville détruite de Shingal (John Moore)

 

Lalish (Irak) – Il y a deux ans, en Juillet 2014, les radicaux de l’Etat islamique (EI) envahirent le nord de l’Irak. Leur avancé comprend la capture de la métropole de Mossoul. Depuis lors, le groupement extrémiste n’a pas seulement terrorisé l’Irak et la Syrie, sa terreur est mondiale et a déjà trouvé son chemin vers l’Europe. Ce type de terreur est connu de la communauté yezidie qui l’endure depuis des siècles.

Seulement quelques semaines après la prise de Mossoul, les djihadistes ont perpétré un génocide inimaginable mais qui aurait pu être évité. En effet, l’EI avait annoncé ses intentions envers la population civile des Yezidis de Shingal. Rarement un génocide a été si évident compte tenu de son intention d’extermination.

Dans son magazine de propagande intitulé « Dabiq », les terroristes revendiquent leurs atrocités et accusent même leurs voisins musulmans de ne pas avoir exterminés les Yezidis plus tôt. Ce génocide n’est pas encore arrivé à sa fin. La communauté éclatée des Yezidis est plongée dans une crise profonde. Voici un résumé des événements et de leurs conséquences :

 

→ 450.000 réfugiés – chaque seconde, un Yezidi essaie de s’enfuir

→ + 5,000 – le nombre de tués (chiffre de l’ONU)

→ + 7000 – le nombre de kidnappés (chiffre de l’ONU)

→ jusqu’à 3.800 femmes et enfants demeurent en captivité

→ jusqu’à 8.000 enfants sont devenus orphelins et demi-orphelins

→ plus de 30 cimetières de masse ont été découverts jusqu’à présent

→ Plusieurs villages yezidis restent sous le contrôle des radicaux

 

Génocide

« Le génocide a eu lieu et est en cours », Paulo Pinheiro, président de la commission d’enquête des Nations Unies.

 

Dans la nuit du 2 au 3 Août 2014, lorsque les premières attaques ont commencé à prendre formes dans le sud de la région de Shingal, les Peshmergas (surtout Les milices du PDK) qui avaient été prétendument déployées dans la région pour la sécurité des Yezidis avaient déjà commencé à fuir. Shingal est la principale zone de peuplement de la communauté yezidie où environ 500.000 compatriotes vivaient.

Les 11.000 Peshmergas qui avaient été déployés dans et autour de Shingal ont fuit dans la nuit et les premières heures du matin sans prévenir la population civile. Bien entendu, aucune aide, ni armes, ni moyens d’évacuation ont été fourni aux habitants. L’EI a pris d’assaut tous les villages les uns après les autres. Les voisins sunnites des villageois ont soutenu et appuyé l’offensive des terroristes. Quelques volontaires ont essayé de défendre leurs villages pendant des heures sans succès. Après le manque de munitions, les habitants ont tenté d’échapper vers la montagne de Sinjar où ils furent encerclés par les terroristes sous des températures de 40 ° Celsius. Jusqu’à 60.000 Yezidis ont trouvé refuges dans les montagnes pour essayer de survivre. Beaucoup sont morts de faim et de déshydratation.

Selon l’Organisation des Nations Unies, au moins 5.000 Yezidis ont été assassinés dans les villes et villages. Plus de 7.000 femmes et enfants, y compris beaucoup de jeunes filles mineures, ont été enlevés. Leur destin fut d’être réduits en esclavage et ensuite violés systématiquement.

L’organisation terroriste a demandé aux hommes et aux femmes capturés de se convertir à l’Islam. Par exemple dans la ville de Kojo, des sbires de cet auto-proclamé Etat Islamique ont décimé 600 hommes et jusqu’à 1.000 femmes et enfants après qu’ils eurent refusé de se convertir. Selon les estimations de l’ONU, 1000 garçons yezidis sont formés militairement dans des camps pour devenir de futurs kamikazes et combattants de l’EI.

Le Conseil des droits de l’homme, le Parlement européen, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, le gouvernement américain et le Parlement britannique ont reconnu le génocide compte tenu de ses critères. Le Conseil de sécurité des Nations Unies, n’a cependant pas encore pris de mesures concrètes.  Les Yezidis appellent à la création d’un tribunal pour poursuivre les terroristes de l’organisation extrémistes devant la Cour pénale internationale pour motifs de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre.

 

Les cimetières de masse :

Plus de 30 fosses communes contenant des restes corporels des hommes, des femmes et d’enfants massacrés ont été retrouvés dans la ville de Shingal. Jusqu’à présent, ces caveaux immondes ont exclusivement été découverts dans les zones libérées de Shingal. En dépit des appels de la communauté yezidie, les Nations Unies n’ont toujours pas mandatés des experts pour fournir des données probantes et conserver ou documenter ces faits de barbaries pour les futures procédures contre les terroristes. Les experts judiciaires du gouvernement kurde prétendent de leur mieux de réaliser ce travail mais ne disposent pas des équipements nécessaires. L’une des fosses communes découverte dans le sud de la région contenait les restes de 80 femmes enterrées vives. Jusqu’à 120 restes supplémentaires ont été découverts dans un autre tombeaux ouvert près de Shingal ville. Malheureusement, ces tombes sont souvent examinées/souillées par des combattants, des journalistes ou des Yezidis à la recherche de leurs parents. Cela rend donc difficile de préserver les preuves pour l’avenir.

 

Asservissement

« Elle n’a que 12 ans. Hweida n’avait jamais entendu le mot viol, mais elle se réveille avec du sang entre ses jambes. » Rapport de la NBC.

 

Jusqu’à 7.000 Yezidis, dont la plupart sont des femmes et des enfants, ont été enlevés. Dans son magazine « Dabiq », les extrémistes revendiquent leurs enlèvements et mettent en vigueur la « tradition islamique de l’esclavage ». Les Yezidis enlevés ont été capturés pour être desservis dans d’autres parties du Moyen-Orient. 3.200 femmes et enfants ont été libérés ou ont réussi à s’échapper. Les victimes ont signalé des viols de masse, des tortures indignes et des assassinats dans les prisons de l’EI. Les enfants conçus en captivité ont été remis à des familles musulmanes. Les femmes et les enfants yezidis enlevés sont proposés à la vente par des terroristes sur les réseaux sociaux ou dans la rue. L’Etat Islamique utilise le viol systématique comme arme psychologique contre la communauté soit disant mécréante des Yezidis.

En ce moment même, près de 3500 victimes restent toujours en captivité sans que les consciences ne s’éveillent. Le génocide se poursuit avec leur captivité mais aucun espoir de rédemption ne les attend. Aucune mesures concrètes n’ont été prises pour leur libération. Ni même des opérations spéciales de quelconque armée. Si cela est possible, les familles yezidies paient des dizaines de milliers de Dollars pour racheter leurs parents. L’EI a renforcé les mesures de sécurité après qu’un certain nombre de tentatives d’évasion aient aboutit. Cela implique que de moins en moins de femmes et d’enfants peuvent être rançonnés ou ne sont plus en mesure de s’échapper. La plupart des femmes et des enfants asservis sont censés être reclus dans les bastions de Mossoul et de Raqqa.

De plus, même après leur libération, leur calvaire ne se termine pas là. Très traumatisés, beaucoup d’entre eux doivent sumonter la dure vie dans les camps de réfugiés, sans avoir accès à l’assistance de professionnels. Aucune situation n’a autant ébranlé la communauté yezidie de ses fondations que les enlèvements et les viols. Sans oublier la perte d’un de leurs parents dans les massacres de Shingal.

 

Orphelins

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Réfugiés yezidis sans les camps de Esiya

 

La campagne de destruction du Califat a transformé des milliers d’enfants en orphelins et demi-orphelins. Beaucoup de jeunes ont vu comment leurs mères et/ou pères ont été tués par des terroristes devant leurs yeux. D’après l’ONU, 3.000 enfants seraient devenus orphelins. D’autres estimations officielles indiquent toutefois qu’il y aurait 8.000 enfants devenus orphelins et demi-orphelins. Ceux-ci trouvent souvent refuge chez leurs proches qui, eux aussi, ont tout perdu. La communauté cherche donc à construire des orphelinats.

Exode de masse

« Cette terre est notre tombe », Déclaration d’un réfugié yezidi.

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Enfants réfugiés de Shingal près de Semel, Dohuk

 

Le plan perfide d’extermination de la communauté yezidie des radicaux s’est apparemment avéré fructueux. Environ 100.000 Yezidis ont déjà quitté l’Irak/Kurdistan irakien – soit environ 20% de la population totale. A travers la Turquie et la Méditerranée, beaucoup essaient d’atteindre l’Europe. Un nombre estimé à 30 000 ont déjà demandé l’asile en Allemagne. Les 900.000 yezidis dans le monde vivent déjà sur quatre continents dans plus de 20 pays différents.

Destruction et lutte pour le pouvoir politique

 

A truck carrying Kurdish security forces makes its way through the ruins of Sinjar.
Les forces de sécurité traversent la ville détruite de Shingal où des drapeaux sont érigés parmis les ruines (John Beck / Al Jazeera)

 

Le territoire traditionnel des Yezidis est devenu un lieu de lutte pour le pouvoir politique. Des dizaines de partis politiques et de forces militaires tentent d’exercer leur influence dans le chaos que l’EI a laissé. Les couleurs des parties et les drapeaux militaires sont hissés au-dessus des ruines des bâtiments détruits. La région est de facto divisée en deux zones : les groupes affiliés au PKK (Parti Travailleur du Kurdistan) : comme le YBS qui contrôle l’Ouest de la région. Ceux-ci sont dans une lutte de pouvoir contre le PDK qui contrôle l’est de la région grâce a ses alliés Peshmergas.

Environ 85% des infrastructures, des villages et villes de la région sont détruits. Le Conseil iraquien des représentants a classé la région de zone « sinistrée ». Selon les évaluations régulières fournies par les autorités, 150 millions d’euros seront nécessaires pour la reconstruction de la région. Le retour des réfugiés semble donc impossible en raison de la situation instable.

Villages occupés

Des dizaines de villages dans le sud de la région, comme celui de Kojo, restent sous le contrôle des extrémistes musulmans. Des opinions différentes circulent quant à la raison pour laquelle la région n’a toujours pas été libérée.

Existence en danger crise

Enfants yezidis réfugiés dans un camp de réfugiés à Midyat (Reuters)
Enfants yezidis dans un camp de réfugiés à Midyat (Reuters)

 

Le génocide et la trahison des peshmergas qui défendent uniquement leurs intérêts ont déraciné la communauté yezidi et l’ont plongé dans une crise profonde. L’existence de sa communauté est aujourd’hui sans aucun doute en danger. Les tensions politiques qui ont toujours été ressenties depuis des décennies ont durcies. Le ton entre les groupes individuels est devenue plus marqué. Les accusations et les condamnations mutuelles menacent de diviser la communauté pour les décennies à venir. Le Conseil religieux des Yezidis (Lalisha Nurani) semble paralysé à la lumière des défis a surmonter ainsi que des pressions politiques.

Les partis politiques tentent de faire respecter leur programme au sein de la communauté yezidie. L’ancienne génération ne semble pas comprendre que cette crise peut sans équivoques conduire à la chute de la diaspora yezidie. Cette culture ancestrale est gravé à tout jamais dans l’héritage de la Mésopotamie.

Comme mentionné plus tôt, cette crise aurait pu être évitée. Les alliés des Yezidis ont bouleversé leur confiance et devront répondre de leurs actes. Mais nos héros sont là pour trouver la voie vers la reconstruction. Il est à présent temps de se rallier à nos jeunes militants : tels que Nadia Murad qui donnent un nouvel espoir aux Yezidis. Il est temps de prendre le contrôle de notre propre communauté.

 

© ÊzîdîPress